La famille Duranceau
Les parents d'Isabelle Duranceau, Gilbert et Mauricette s’installent à Rochefort vers 1961-62. Gilbert est charcutier traiteur 31 rue Chanzy puis 14-16 rue Victor Hugo. « Mon père était artiste aussi, à Noël il créait des statues en graisse dans ses vitrines. Ses sculptures étaient sur le thème de Mickey, c’était un fan ! Il a même fait un Concorde… » Isabelle nait en 1963. À 21 mois, elle perd son avant-bras à la suite d’un accident dans l’atelier de son père.
1970-2001 : SAR Natation puis Rochefort Neptune Club
1974-1988 : Équipe de France
1974-1988 : Championne de France handisport 100 m brasse et 200 m 4 nages
1980 : Jeux Paralympiques d’Arnhem, Pays-Bas : 5 médailles (2 argent, 3 bronze)
1984 : Jeux Paralympiques de New-York, USA : 5 médailles (1 or, 2 argent, 2 bronze)
1988 : Jeux Paralympiques de Séoul, Corée du Sud : 5 médailles de bronze
Elle a 6 ans lorsqu’elle apprend à nager à la piscine de Rochefort. Cela ne se fait pas sans difficultés car comme sa mère, elle a la phobie de l’eau. « Ils ont été obligés de démonter les cabines de la piscine pour pouvoir m'en faire sortir car je m'y étais renfermée. Il a fallu 2 ou 3 séances avant de pouvoir me faire arriver sur le bassin. » Une fois dans l’eau, un autre problème se pose : « étant amputée de l’avant-bras gauche, je n'arrivais pas à avancer droit et je tournais en rond. C’était un problème d’équilibre. Cela a demandé beaucoup de travail avec Joseph Hoareau, mon maitre-nageur. Mais j'y suis arrivée. À l'âge de 6 ans, à la fin du CP, je savais nager. »
Intégrer le club n’est pas simple en raison de son handicap, mais son père s’obstine et elle est finalement acceptée. Inscrite à la Fédération Française de Natation, elle participe à des compétitions et se distingue rapidement au niveau départemental.
Elle intègre en 1973 la Fédération Natation Handicapés et participe aux Championnats de France Handisport, à Roanne. « À 10 ans 1/2 j'ai été championne de France du 100 mètres brasse ». À cette époque, les catégories handisport sont liées au handicap et non à l’âge, elle est donc Championne toutes catégories d’âge confondues ! « Ça a étonné beaucoup de monde car personne ne me connaissait ! Et j'avais gagné avec plus de 25 mètres d'avance ! C'est ma 1ère vraie médaille de championnat de France. Elle a beaucoup d'importance pour moi. »
Isabelle s’entraîne tous les soirs après l’école. Elle suit sa scolarité en primaire et au collège à Émile Zola, puis au lycée Merleau Ponty. « Je n'avais pas d'horaires aménagés mais les professeurs savaient que j'étais rarement là le samedi car j'avais mes compétitions. En général, ils me soutenaient et faisaient en sorte que je ne perde pas de cours. »
« À Rochefort, je ne m’entraînais pas avec la Fédération Handisport mais avec des gens de mon âge. On était un groupe de filles avec un très très bon niveau en natation. Elles étaient au niveau régional en Fédération Française de Natation. Il y avait une différence entre la FFN et la Fédération Handisport. En FFN, j’avais un niveau National 2, un bon niveau français par rapport à mon handicap, surtout qu’il n’y en avait pas d’autre ! »
« À 11 ans, j’étais au Danemark à Copenhague, pour une rencontre internationale, chose que je n’avais jamais faite ! »
1975, Jeux mondiaux Saint-Etienne
Et après tout s’enchaîne... la Suède puis pratiquement le tour du monde
Ils se déroulent pendant les vacances à Angers, Chollet, Nantes, Mulhouse, Paris, Bordeaux.
« Lors des championnats de France qui sont qualificatifs vous avez des minimas à faire. Si vous ne les atteignez pas, vous n’êtes pas qualifiés pour les JO. Vous avez un couperet, une épée de Damoclès au-dessus de la tête qui dit « si t’es pas prêt là, tu pars pas ! »
24H de nage à la piscine de Rochefort
48h continues avec 5 autres nageurs à la piscine de Rochefort
1978 : plongeon dans le bassin extérieur de la piscine de Rochefort
Isabelle sait 4 mois à l’avance qu’elle fait partie de l’équipe des Jeux paralympiques organisés aux Pays-Bas. Les JO se déroulent en Russie en 1980. « Mais ils n’acceptaient pas les handicapés, pour eux il n’y avait pas d’handicapés en Russie ! »
Elle a 17 ans. « 1980, c’est la première fois, on est jeune, on y va ! On a envie de s’amuser. Je partais là-bas sans stress. On en prend plein les yeux, c’est magique. En fait, les vrais JO j’en ai pris conscience en 1984. » « On s’entraînait comme des fous mais dans un esprit de camaraderie ! J’avais un esprit compétitif, si j’allais là-bas, c’était pour gagner. »
« Il y avait toutes sortes de handicaps. L’équipe de France était mixte. On avait plusieurs entraîneurs car il y avait plusieurs niveaux. On était une famille ! On vivait en vase clos, on se soutenait mutuellement. C’est le genre de chose que tout le monde aimerait vivre. Encore aujourd'hui, on est regroupés sur Facebook, on se voit régulièrement. Même si on a maintenant presque tous 60 ans, on est encore super potes ! »
Un avion était affrété spécialement pour l’équipe. « On arrivait tous ensemble, on repartait tous ensemble. Les JO durent trois semaines. La deuxième semaine on avait notre compétition. La troisième, on allait supporter les copains. Maintenant, quand on a fini sa compétition, on rentre chez soi. Autrefois on avait plus de liens avec toutes les disciplines. »
« 1984, New-York ! C’est là que j’ai fait ma médaille d’or ! Les retransmissions TV étaient assez rares. En 1984, c’est le journaliste d’Antenne2 qui a téléphoné à mes parents en pleine nuit pour leur annoncer que j’avais été médaillée d’or au 100m brasse. »
« Je suis pratiquement restée une année sans nager. »
« Je me suis retrouvée à nager le 400m nage libre la veille de mon 100m brasse et je me suis fatiguée. J’ai fait médaille de bronze, forcément. Le lendemain au 100m brasse, je n’ai pas pu tout donner, je n’ai pas eu la médaille d’or ! Entre les 2, je n’ai pas réussi à récupérer ! »
« J’ai beaucoup aimé Séoul, c’était magique. En tant qu’athlète, je l’ai beaucoup moins bien vécu car j’ai eu trop de pression. Cela dit c’était des supers JO. »
« Sur le 200 m quatre nages, j’étais indétrônable, sauf une ou deux fois où j’ai eu la 2ème place. J’étais pas mal non plus en papillon, je me classais souvent 1ère. Autant j’étais rapide en brasse sur le 50 ou 100 m, autant en nage libre, en crawl, j’étais plus longue. Mes prédilections étaient plutôt sur le 400m nage libre, j’ai fait 3ème à Séoul. »
« J’ai été la marraine d’un bateau « Les Demoiselles de Rochefort », construit dans le port de Rochefort. J’ai été reçue par la Jeune Chambre économique, élue athlète de l’année ! J’ai eu plein de titres honorifiques. Deux fois le trophée du sport. »
« Vingt-cinq ans passés à nager, on aspire à autre chose. Jean-Louis Frot le maire et Jean-Louis Branger, député, ont œuvré pour que je reste à Rochefort en tant qu’entraîneure. »
Isabelle est employée au Rochefort Neptune Club pendant 5 ans. Ce « poste était mon cheval de bataille et ma passion ». Elle s’occupe d’une équipe garçons qui obtient des résultats au niveau régional et participe aux championnats de France National 2, en interclub. « On était dans les 100 meilleurs clubs français. On était vraiment bien classés pour un petit club comme Rochefort. » En 1991, elle obtient un poste de maître-nageuse. J’ai travaillé à la piscine de Rochefort jusqu’à mes 40 ans, en 2003.
Isabelle Duranceau travaille à la Ville de Massy, dans le sud de Paris, en qualité de maître-nageuse, cheffe de bassin puis responsable d’équipement. Depuis 2023 elle est responsable des 415 associations sportives de la ville, et travaille en particulier à l’intégration des handicapés.
« Je nage très peu maintenant ! Après avoir arrêté je me suis mise à la course à pied. J’ai fait aussi les championnats de France, en valide. J’ai fait des marathons, qualifiée pour les championnats mais je n’y suis pas allée. J’ai fait pas mal de choses après. Là je me suis blessée et je me remets doucement au sport depuis deux ans, je suis un peu cassée de partout ! »